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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 09:47







La Saint Valentin approche, l’air fleure bon les messages commerciaux en tout genre pour nous le rappeler. Et oui, merchandising et amour libre font bon ménage. L’amour libre, expression post-soixante-huitarde consacrée, mais qu’est-cc que cela veut dire au juste ? L’amour est toujours libre, c’est nous qui ne sommes pas, et ne seront jamais, libres en amour... On généralise l’union libre, on facilite le divorce, soit. Mais on ne peut pas prétendre que cela « libère l’amour ». Certes, on est moins contraint de rester engoncé dans un mariage qui ne convient pas. Mais, cela ne veut pas dire que l’on va pouvoir aimer pour autant. Certes, on peut se mettre en ménage de manière très libre, mais cela ne veut pas dire que l’on puisse aimer plus facilement. La vraie liberté d’ailleurs, ce n’est pas de pouvoir être en couple sans être marié, mais de pouvoir ne pas être en couple. Ne pas avoir de partenaire, fusse-t-il du même sexe, c’est louche et c’est difficilement praticable à long terme passé 25-30 ans. Les amis sont en couple, difficile de ne pas sortir en couple, il y a une case sur le CV pour le couple.


Or, si l’on y réfléchit bien, la plus part des gens en couple n’ont pas ou plus de sentiments, le couple post-soixante huit n’est plus basé sur l’amour que le couple traditionnel ne l’était. Le couple, c’est une nécessité, alors on fait avec ce que l’on a. Cela permet de satisfaire une partie des besoins, physiques et sociaux, on fait au mieux. Le couple porte des projets, il permet de démultiplier les possibilités financières, d’élargir le réseau de connaissances, de s’insérer dans la société. Le couple est un contrat de location à plus ou moins long terme. Cela me fait penser à cette possibilité en Iran de contracter avec une prostituée pour une durée déterminée et selon des clauses déterminées.  A vingt ans on se met en couple parce qu’on est jeune et qu’il faut avoir une copine ou un copain, à quarante – cinquante ans, après un divorce ou l’échec d’une relation longue durée, on se remet encore en couple, parce qu’on est plus si jeune et qu’on pense à l’avenir.


L’amour libre ? Foutaise. Il est toujours aussi difficile de trouver une personne que l’on puisse aimer et qui nous aime en retour. Il est toujours aussi facile et nécessaire de s’engager dans une relation de couple sans amour véritable. Franchement, quelle est la différence entre une jeune fille des années 1950 qui veut quitter le foyer de ses parents et qui se marie en choisissant un jeune homme convenable parmi les connaissances qu’elle a et une jeune fille des années 2000 qui veut faire comme ses copines, comme les filles à la télé, et qui choisit un copain parmi  les connaissances qu’elle a ? Les deux peuvent se persuader qu’elles « sont amoureuses », les deux font avec ce qu’elles ont, avec leur cercle plus ou moins large de connaissances. L’une restera avec le mari jusqu’à ce que mort s’en suive (en théorie du moins, n’oublions pas que l’on n’a pas attendu l’amour libre pour que le divorce soit légal), l’autre changera de copain dans 6 mois, et en reprendra un autre selon le même processus. Et ce jusqu’à ce qu’elle grandisse un peu et qu’elle passe au copain longue durée, entre 5 et 10 ans. Ensuite, mariage ou pas, divorce éventuellement, couple toujours.


J’entendais l’autre jour une jeune fille d’une vingtaine d’année dans un café qui parlait de son copain avec une amie. « Est-ce que tu l’aimes ? » « Clairement non, mais on est habitués l’un à l’autre. L’autre soir, il est rentré avec un bouquet de mes fleurs préférées. Il s’était renseigné au près d’une amie. Ca m’a touchée. » « Vous avez grave des intentions l’un pour l’autre quoi. » [Innovante cette petite formulation du banal « vous êtes attentionnés l’un envers l’autre », non ?] « Oui, je ne sais pas si on va continuer comme ça, ça se passe bien entre nous, mais il n’y a rien ». Si c’est pour en revenir toujours au « mais il n’y a rien », quelle est la différence avec un mariage ?


Et oui, on est libre, la belle affaire ! Reste qu’il n’est toujours pas possible de vivre à long terme avec quelqu’un de trop différent de soi socialement ou culturellement parlant. Pas possible, parce que ça ne marche pas, tant pis pour les soi-disant contes de fées.  Les réussites se comptent sur les doigts de la main (heureusement qu’il y a des réussites). Il faut prendre en compte les familles, et les amis, la personne que l’on est en somme. Evidemment il y a les reportages bien pensants du genre Marie-Christine et Shlomo sont partis vivre en Israël (Shlomo fait une croix sur la judéité de ses enfants, Marie-Christine aura beau faire tout ce qu’elle voudra, elle ne sera jamais Esther, belle fille rêvée de sa belle-maman), Jean-Pierre a épousé Latifa malgré l’interdiction paternelle (qui de Jean-Pierre ou de Latifa a rompu avec sa famille et s’est converti?), Wilhelm et Anne ont de beaux enfants (que se passe-t-il si Wilhelm retourne vivre à Cologne avec les enfants ? Dommage pour Anne, le juge allemand ne donne jamais raison au conjoint étranger pour la garde des enfants). Oui, il y a des gens qui peuvent renoncer à leur famille et à leurs amis, changer de culture, de religion, de pays, de langue ou que sais-je. Mais contrairement à ce que l’on nous vend en permanence, ces gens-là sont rares. Il faut une grande acceptation, une grande souplesse, il faut se retrouver dans tous ces changements. On a tous besoin de repères, il est normal qu’un jour ou l’autre des difficultés surgissent. La naissance d’un enfant est souvent un élément déclencheur, quand la rencontre entre les belles-familles n’a pas déjà été fatale au couple.


Même au sein d’une même religion, deux personnes qui n’ont pas le même niveau de pratique peuvent rencontrer à la longue de sérieux problèmes. Le cas classique chez les catholiques : un mari non pratiquant voire athée avec une femme pratiquante fervente.  Le mari reste à la maison le dimanche matin, il trouve les bondieuseries de sa femme suprêmement agaçantes. La femme s’engage auprès de la paroisse, elle tient un stand à la kermesse, elle participe à l’animation de la messe. Elle trouve que son mari exagère avec ses expressions blasphématoires et elle craint que sa critique permanente n’atteigne la foi des enfants que bien sûr elle tente de développer. Il y a plusieurs variantes possibles ensuite. La femme peut sympathiser au cours d’une de ses nombreuses activités paroissiales avec un homme qui se trouve dans la même situation qu’elle. Au bout de quelques temps, ils se prennent à penser que ce serait formidable d’avoir un conjoint qui partage leur foi, un conjoint comme cette personne rencontré à la paroisse… Les deux en viennent vite à découvrir les joies du couple fervent, ils se sentent coupables de la même manière. Alternativement, le mari athée peut décider de sortir le dimanche matin pendant que sa femme est à la messe, pour aller faire un peu de sport avec des ami(e)s par exemple. Rien de plus sain qu’une activité physique régulière, n’est-ce pas ?


Force est de conclure que le concept d’« amour libre » n’a pas d’autre contenu que la liberté sexuelle. Et justement, la liberté sexuelle (pour autant qu’elle est possible, car les risques sanitaires sont bien là quand même) peut se concevoir de manière complètement indépendante de l’idée même d’amour.  Remarquons au passage qu’un homme qui use de sa liberté sexuelle peut toujours s’enorgueillir d’être un séducteur, Don Juan ou Casanova, mais qu’une femme qui en use est toujours une « pute » (le beau discours sur l’égalité des sexes a ses limites, d’autres l’on constaté avant moi). Les scénaristes de séries télévision œuvrent activement pour faire changer cela. Il y a bien une série britannique qui s’intitule The Secret Diary of a Call Girl et qui met en scène une prostituée parfaitement décomplexée. Evidemment, il y a un gros potentiel commercial sous-jacent, des marques de préservatifs aux marques de sex toys, on aurait vraiment avantage à ce qu’être une pute soit plus socialement acceptable, voire socialement valorisant ou carrément tendance. Mais, ne nous faisons pas trop d’illusions.


Imaginez un couloir de bureau, des collègues de travail (disons un groupe mixte) discutent à la machine à café. Ils parlent des aventures d’un collègue : « Quel séducteur ! » « Il faut reconnaître qu’il a quelque chose… » Ils en arrivent à une collègue en tout point semblable : « Si, si, je te jure, lui aussi, de toute façon c’est bien simple : toute la boîte lui est passé dessus. » « Vous avez vu comment elle s’habille aussi… Pas étonnant ! » Amen, amen je vous le déclare, il n’est pas arrivé le jour où on entendra « Quelle séductrice ! » « Il faut reconnaître qu’elle a quelque chose… » Jalousie féminine oblige, mais pas seulement. Parce que oui, les hommes et les femmes c’est différent. Même les enfants de la maternelle le savent. Il y a des différences. Cela n’implique pas que l’un soit moins bien ou mieux que l’autre, mais ce n’est pas la même chose. Est-ce que j’appelle de mes vœux l’abolition du statu de « pute » pour les femmes faisant usage de leur liberté sexuelle ? D’une certaine façon oui, parce que au point où on en est, je ne vois pas pourquoi un homme serait mieux considéré pour une même action.


Alors finies les paroles pleines de bon sentiments sur les petits couples modernes fondés sur l’amour alors que l’antique mariage était « arrangé », fondé sur les vilaines conventions. Je ne suis pas réactionnaire. Rien ne saurait plus m’énerver que « c’était mieux avant », si ce n’est « c’est mieux maintenant ». Je suis réac’ chez les modernes et moderne chez les réac’. L’amour libre n’a de sens que chez les vrais anarchistes, chez les autres, ce n’est qu’une nouvelle forme du couple, une hypocrisie ou comme disait La Rochefoucauld, « un hommage que le vice rend à la vertu ».



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commentaires

N
<br /> J'ai bien apprécié la chronique des artistes lyriques,mais alors j'ai raffolé<br /> de la lecture du présent,qques petites fautes d'ortho,très légères,indécelables à l'h actuelle pour le commun des mortels,(dont je ne fais partie ,cf mon nom :) )<br /> c vraiment très agréable à lire,le + "drole" c qu'aujourd'hui j'ai entendu sur Fculture<br /> qq idées sur le divorce et la liberté de se marier tout à fait dans la même veine<br /> qe ta pensée,à qd une chronique sur les ondes? Why not?tout est pour le mieux<br /> dans le meilleur des mondes possible :) ,donc tout est possible...BSX<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Who knows dear Neko (Neko the wonderful wonderful cat...), en tout cas c'est un honneur de te compter au (petit) nombre de mes lecteurs :)<br /> <br /> <br />
S
<br /> Là, franchement j'ai "bu" ton article comme du petit lait. La cause ? C'est exactement ce que je pense (sans avoir jamais osé le dire, comme écrirait W. Allen hé, hé)<br /> Je rigole doucettement en voyant les "jeunes" couples se rengorger en disant qu'ils ne feront jamais ce que leurs géniteurs ont fait (ils le font, mais avec d'autres mots, c'est le vocabulaire qui<br /> a changé)<br /> Étonnement, je mets cette Saint Valentin sur le même plan que Noël ou Pâques, une fête devenue purement commerciale... Point besoin de démonstration quand on est avec quelqu'un depuis longtemps,<br /> enfin à mon avis, c'est implicite et non formulable de toute façon.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Pas besoin de démonstration ni de commercial dans ce domaine, tout à fait d'accord. Merci pour tes commentaires Sieglind la dragonne.<br /> <br /> <br />

L'orange Maltaise

  • : L'orange maltaise
  • : « Il pourrait se trouver, parmi [mes lecteurs] quelqu’un de plus ingénieux ou de plus indulgent, qui prendra en me lisant ma défense contre moi-même. C’est à ce lecteur bienveillant, inconnu et peut-être introuvable, que j’offre le travail que je vais entreprendre. Je lui confie ma cause ; je le remercie d’avance de se charger de la défendre ; elle pourra paraître mauvaise à bien du monde ! » (Mémoires de la Duchesse de Dino, 1831)
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