Poubelle de star de l'exposition Trash
Il y en a partout : sur la table, sur les sièges, par terre… Des miettes et des serviettes sales qui baignent dans du café et du milk-shake renversés, des gâteaux à moitié finis, des emballages et autres des déchets non-identifiés… C’est beaucoup pour une seule table. La première réaction de toute personne saine d’esprit n’ayant pas été élevée sur un tas de fumier : « Dégueulasse, on est chez les porcs ». On ne parle même pas d’éducation ou de savoir-vivre, c’est au-delà de ça. Cela doit être dans un endroit au fin fond de la galaxie, où les gens ont des excuses pour ne plus faire attention à leur environnement. Bienvenue au pays de Jabba the Hutt ! Que diriez-vous si je vous disais que je viens de décrire un coin du Starbucks d’un « excellent » quartier de Paris (du moins à en juger par le prix au mètre carré) ?
Spoerri faisait bien des « œuvres » avec les reliefs de son déjeuner… Et puis, il y a eu cette exposition, justement nommée « Trash », qui nous présentait le contenu des poubelles des stars [1]. L’occasion rêvée d’apprendre que Madonna boit de la Volvic, tandis que Sharon Stone préfère l’Evian. Je me suis dit que l’on aurait pu faire une œuvre de la saleté du Starbucks, on aurait pu appeler ça « dégueulis d’une petite fille riche », « 18 ans que maman ramasse derrière son fi-fils adoré », ou encore «aimez-moi pour ce que je suis vraiment»…
Parce que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, il y a un grand raffinement dans toute cette saleté. C’est une saleté qui proclame bien haut et fort : à la maison, j’ai une femme de ménage qui passe derrière moi. Je pars en vacances dans des endroits exotiques et je skie au moins deux ou trois fois par an. J’essaye de partir avec mes potes, parce que les parents c’est lourd ! J’aime pas trop le lycée, je ne sais pas trop ce que je vais faire plus tard, mais il faut que ça gagne. Je vais tenter un BTS info-gestion. Mon activité favorite est de « me mettre une race » (toujours avec des potes, je suis un animal social, Aristote à donf !). Je porte une doudoune à la mode avec la capuche bordée de fourrure et un jeans moulant et des bottes, de préférence des Ugly boots, ou des Converses… Malheureusement pour les employés qui ramassent derrière ces gens-là, la saleté, fusse-t-elle dorée, reste de la saleté (heureusement que la saleté du Starbucks, c’est comme l’argent, ça n’a pas d’odeur).
Les gens révèlent ce qu’ils sont dans les « activités primaires », ce qui se rapporte à la nourriture ou au sexe en fait partie. C’est là que vous voyez tomber le masque, et que vous voyez à quel point certains sont, quelque puisse-t-être leur éducation de par ailleurs, des porcs. Je me souviens de cette remarque de mon amie Nathalie concernant un certain cadre dynamique, qui avait comme on dit: « un très bon relationnel » et « un bon réseau » : « Oui, mais je n’aime pas sa façon de se jeter sur la nourriture dès qu’il y a un buffet». Voila, c’est dit.
Les apparences, tout n’est qu’apparence… Mais si on sait y regarder, il y a quand même toujours quelque chose qui transparait de la réalité intérieure. Il y a des gens qui ont de l’allure, de l’élégance, de la grâce, rien n’y fait, cela s’attache à leurs gestes, à leur façon de parler, à leur façon d’être. Et puis il y a les autres, ceux qui sont naturellement sales et vulgaires, et cela aussi, cela ressortira toujours. Il y a des gens qui auront de l’allure même en faisant le ménage, d’autres qui auront finalement toujours l’air de sortir de l’égout, même en buvant une coupe du meilleur champagne qui soit…
Et encore une fois, cela n’a pas ou si peu à voir avec l’éducation. L’éducation donne un vernis, elle s’acharne à redresser ce qui est déjà tordu, mais il ne faut pas se faire trop d’illusions. Je fais le parallèle avec le talent artistique, car il y a comme un art de se tenir. Il suffit d’assister à un cours de danse classique, il y a celles qui ont la grâce et les autres. Il suffit de lire un paquet de lettres de motivation, il y a ceux qui ont du style et les autres. Il suffit ‘écouter les gens jouer d’un instrument, il y a ceux qui font des notes et ceux qui font de la musique… Evidemment, on peut s’améliorer, se corriger, gommer les défauts rédhibitoires, c’est mieux que rien, mais c’est laborieux. Et bien oui, il y a les gens de qualité, et les autres. La qualité, c’est de naissance, et cela naît où cela veut (pas au pays de Jabba the Hutt en tout cas)…
[1] Exposition qui avait eu lieu à la Maison Européenne de la Photographie en 2007. Bruno Mouron et Pascal Rostain, les paparazzis reconvertis en artistes-ethnologues, avaient fait les poubelles des stars et en avaient présenté le contenu soigneusement trié sur de grands panneaux noirs.